Par Dave Kaufman pour Montreal Gazette

Ça se passait il y a huit ans aujourd’hui. Huit ans depuis le dernier match de l’histoire des Expos de Montréal. Le 3 octobre 2004, ils subissaient un revers de 8 à 1 face aux Mets de New York.  Toutefois, comme le veut la tradition au baseball professionnel, « Nos Amours » sont encore bel et bien vivants. Ils ne sont que les bien-aimés d’un autre.

La franchise qui a œuvré dans notre ville entre 1969 et 2004 porte aujourd’hui le nom des Nationals de Washington.  Les Nationals partent parmi les favoris pour remporter la Série Mondiale, qui serait une première dans  « l’histoire de la franchise ».

Comme le veut la tradition des Ligues Majeures, les Nationals partagent toutes leurs statistiques   avec les Expos. Bien que la ville et les uniformes aient changé, d’autres éléments perdurent. Par exemple, Vladimir Guerrero détient le record du plus grand nombre de coups de circuit et Steve Rogers celui du plus grand nombre de manches lancées.

Lorsque, il y a deux semaines, les Nationals se sont assurés d’une présence en séries, plusieurs se sont empressés de souligner qu’il s’agissait d’une première depuis le succès rencontré par les Expos en 1981. Qui ne se souvient pas de ce « lundi noir » du 19 octobre 1981 quand Rick Monday des Dodgers nous a sortis des séries?

Dans une tentative désespérée de me convaincre que cette équipe n’était plus la mienne, j’ai pris d’assaut les médias sociaux et répété la maxime : Les Nationals ne sont pas les Expos. Je le répète depuis que Georges W. Bush a effectué le lancer protocolaire à leur tout premier match tenu au RFK Stadium en 2005.

Mais pourtant, dans une certaine mesure, c’est encore notre équipe. En plus des statistiques que ces deux équipes partagent, on retrouve au Nationals Park un « Anneau d’Honneur » qui rend hommage, non seulement aux grands qui ont joué au baseball à D.C., que ce soit des joueurs de la Negro League  ou des Ligues Majeures, mais aussi aux deux membres du Temple de la Renommée qui ont porté les couleurs des Expos,  Andre Dawson et Gary Carter à qui une place spéciale est accordée. Les Nationals semblent fiers de mettre en commun leurs exploits et ceux des Expos. Néanmoins, je ne connais pas un seul Montréalais qui semble viscéralement excité de les voir en séries.

Pendant les séries, on nous rappellera une fois de plus que cette équipe a déjà été à Montréal. Nous aurons droit à des reportages télé, à des tables rondes à la radio, à des chroniques dans les journaux. Ce sera difficile d’y échapper.  Nous serons nombreux à éprouver tristesse et convoitise en songeant à ce que les Expos auraient pu être.

Cette convoitise soulève une question : y a-t-il une manière de canaliser ces émotions de façon positive pour qu’un jour une équipe revienne à Montréal?

La réponse, selon moi, est oui, nous pouvons nous inspirer de ce que Seattle a fait quand elle a perdu sa franchise de la National Basketball Association.

Les bien-aimés de la ville de Seattle, les Supersonics, l’ont quittée en 2008 pour devenir le Thunder de Oklahoma City. Les Sonics sont partis sous un ciel sombre, leur lien avec la NBA étant aussi mauvais que l’était (et l’est toujours) le nôtre avec la MLB. Par contre,  Seattle n’a jamais abandonné  son désir de ravoir une équipe professionnelle et les partisans n’ont jamais cessé de la réclamer.

Ils ont également tourné un film. Sonicsgate est un documentaire primé qui a été créé par deux malheureux fans de basketball à Seattle. Ils voulaient faire connaître au monde le sort injustifié fait à leur ville tenue en otages par la cupidité caractéristique des entreprises du sport professionnel. Changez quelques noms et l’histoire de Seattle pourrait facilement s’appliquer à la nôtre.

Le film a fait du bruit. Les deux cinéastes ont fait des apparitions dans les grands médias nationaux et CNBC a obtenu les droits télévisuels. Les partisans ont organisé de grandes manifestions où ils ont fait revenir des légendes des Sonics. Quand Oklahoma City s’est rendue en finale de la NBA l’année dernière, les partisans de Seattle étaient présents, non pas pour supporter la franchise devenue les Thunder, mais bien pour rappeler à tout le monde que ça aurait dû être les Sonics.

La semaine dernière, la ville de Seattle a annoncé qu’elle approuvait la construction d’un nouvel amphithéâtre. Un homme d’affaires local s’est engagé à ramener une équipe. Les gens de Seattle n’ont jamais abandonné, et maintenant leur rêve est prêt de se réaliser.

Pourquoi pas nous? Montréal est la plus grande ville nord-américaine qui n’offre pas de baseball des Ligues Majeures. Avec un propriétaire stable et des infrastructures adéquates, il n’y a pas de raison de croire que les Ligues Majeures de Baseball ne connaitraient pas un énorme succès ici.

Entre temps, notre franchise jouera dans les séries. Est-ce que ça brise le cœur? Absolument. J’aimerais bien me sentir autrement, mais il n’y aura ni célébration ni champagne à Montréal.

Et puis ma volonté se renforce à chaque victoire des Nationals. Nos Expos doivent revenir.

Il est temps de tourner un documentaire.